Bêtes à bénéfices
Le nouveau documentaire de Bernie Bonvoisin du groupe Trust produit par Premières Lignes. Ce film s’intéresse aux femmes des ouvriers licenciés, aux dommages collatéraux, aux conséquences des plans sociaux. Celles que l’on n’entend jamais. Le couperet du licenciement, qui conduit au déclassement social et les expose au regard des autres. Les tensions, le sommeil qui se fait rare, les repas que l’on saute, l’alcool. Les conflits sociaux ne sont que des drames.
En 2017, l’usine de l’équipementier automobile de GM&S, sous-traitant de Renault et Stellantis, à La Souterraine, dans la Creuse, licenciait 157 de ses salariés. Une issue présentée comme inéluctable, au nom de la rentabilité. Des sinistrés, le monde du travail en produit chaque année des milliers. En particulier dans le secteur industriel.
Bernie Bonvoisin et le groupe Trust avaient accepté de donner un concert en soutien aux ouvriers de GM&S pendant leur lutte perdue en 2017. Quelque temps plus tard, il a revu plusieurs familles, il a été sidéré de voir leur état physique et psychique. Les licenciements avaient été dévastateurs, sur les salariés, mais aussi sur leurs familles.
Ce documentaire donne la parole à des femmes de salariés licenciés de GM&S à La Souterraine. Également à des épouses de salariés licenciés plus récemment, fin 2023, dans les Hauts-de-France, où 82 emplois ont été supprimés lors de la fermeture de l’usine de Calais de Prysmian-Draka, fabricant de câbles optiques. Les femmes de ces ouvriers avaient adressé une lettre poignante à Emmanuel Macron.
Le mot de Bernie Bonvoisin, réalisateur :
J’ai découvert le conflit social GM&S à La Souterraine dans la Creuse avril 2017. (…)
GM&S est un des visages de cette France qui peine à conserver ses sites industriels. En 2017, l’équipementier annonce la fermeture de son site de la Souterraine. Le combat des salariés avait été très médiatisé, ils menaçaient de faire sauter leur usine en cas de liquidation. C’était aussi l’un des premiers dossiers du premier quinquennat Macron. (…)
« Pour moi, Francis, il est mort… »
Cette phrase assassine sortie de la bouche de Sylvie Choucair, auxiliaire de vie à La Souterraine, résume l’état de son compagnon Francis, ex GM&S, qu’elle voit chaque jour un peu plus sombrer dans le néant, à force de dépression, d’inutilité et de raisons de vivre, à la suite de son licenciement.
Sylvie a rejoint un cortège de misère, celui de ses « sœurs de souffrance » en silence et d’invisibilité. Leur punition est d’être épouses et compagnes d’hommes licenciés. Elles sont les milliers de victimes collatérales silencieuses des plans sociaux. (…)
Je suis allé à leur rencontre, sans imaginer un instant, ce que pouvaient traverser ces femmes. Jamais je n’aurais pensé voir autant de souffrance, de non-dits, mais aussi de dignité chez ces femmes que l’on n’entend jamais. Ces femmes, compagnes, épouses et bêtes à bénéfices.
Bernie Bonvoisin