Lien vers la présentation et les extraits du documentaire « Ukraine : les masques de la révolution » de Paul Moreira diffusé le 1er février 2016 sur CANAL+
Paul Moreira poursuit en diffamation une publication du « Comité Ukraine »
Paris, le 1er juin 2016 – Paul Moreira poursuit en diffamation une publication du « Comité Ukraine ». Le documentaire « Les Masques de la Révolution » a fait l’objet d’attaques particulièrement violentes par une dizaine de personnalités, toutes membres du « Comité Ukraine », un groupe qui affirme combattre la « guerre de l’information » dans le conflit ukrainien.
Le « Comité Ukraine » tient un blog hébergé par Libération. Le 3 février, ils ont publié une interview de Anna Jaillard Chesanovska. Cette porte-parole du mouvement EuroMaïdan en France a travaillé comme traductrice sur une partie minime des interviews du film. Elle fait état dans l’interview d’affirmations fausses et diffamatoires sur la fabrication du film. Alerté, le responsable du blog n’a pas souhaité rectifier les informations. Paul Moreira a donc été déposé, en son nom propre, une plainte contre Mme Jaillard Chesanovska auprès de la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de de Paris.
Le Monde publie le droit de réponse de Paul Moreira à Benoit Vitkine
Le 2 février 2016, Benoit Vitkine, spécialiste du Monde sur l’Ukraine, avait publié une critique d’une énigmatique violence intitulée « Les lunettes déformantes de Moreira » contre le film « Les masques de la révolution » diffusé sur CANAL+. Paul Moreira y répond point par point dans les colonnes du Monde. Le titre du droit de réponse a sauté. C’était : « Mais qui m’a piqué mes lunettes déformantes ?… »
LE MONDE du 16 mars 2016 – CORRESPONDANCE
A la suite de l’article « Les lunettes déformantes de Moreira » (« Le Monde » du 1er février 2016), nous avons reçu de Paul Moreira le courrier suivant :
« Vous avez publié le 31 janvier 2016 un article intitulé “Les lunettes déformantes de Moreira” dans lequel votre journaliste, Benoît Vitkine, s’attaque, sur le même ton, à mon film Les Masques de la révolution sur les groupes paramilitaires d’extrême droite en Ukraine. Son accusation première : j’aurais manqué de subtilité avec ces milices. Exagéré leur importance et leur puissance militaire. Et il cite à l’appui de sa démonstration un exemple unique de supposée déformation commise par moi. Oui, un seul exemple concret pour dénigrer la crédibilité de tout un film. Voilà pourquoi il est important de revenir dessus. En septembre, j’ai pu rencontrer le chef du bataillon Azov, un néonazi à la tête de plusieurs milliers d’hommes lourdement armés. Dans le hangar où il me reçoit, je mentionne au passage qu’ils mettent au point une “nouvelle génération de chars”.
C’est là que Benoît Vitkine pense me prendre en faute et affirme qu’il n’y a là que quelques vieux blindés “cabossés”. En fait, Azov a bel et bien élaboré le prototype d’un tank d’un nouveau genre. Ce tank a un nom : Azovet. Il a eu droit à des articles dans Vice News (“A Tour of Ukraine Mad Max Tank Factory”), dans Ukraine Today et une myriade de sites militaires spécialisés. Je pense qu’Azov est donc aujourd’hui le seul groupe néonazi en Europe doté de blindés. Voilà pour le seul verbatim tiré du film. Pour le reste, il ne s’agit que de perceptions, dont la plupart sont fausses. Ainsi, votre journaliste m’impute une affirmation inexistante dans le film : l’installation d’un nouveau fascisme en Ukraine. A le lire, on a le sentiment que j’affirme que les “fascistes” seraient au pouvoir. Pourtant, je le rappelle clairement : ces groupes sont extérieurs au gouvernement (même s’ils peuvent être utilisés comme supplétifs) et ils représentent désormais un péril. Je les montre en train de menacer le gouvernement puis d’attaquer le Parlement en tuant trois policiers. J’interroge un ministre ukrainien sur “le risque que les groupes armés d’extrême droite représentent pour la jeune démocratie ukrainienne”. Votre journaliste écrit encore : “Il y a surtout une grande absente : l’agression russe contre l’Ukraine.” Là encore, il y est fait clairement référence dans un long passage comme la raison pour laquelle ces bataillons ont été armés. Peut-être juge-t-il que c’est insuffisant mais je lui déconseille alors l’utilisation du mot “absence”. Il dénie aussi l’agenda “pro-business” du nouveau gouvernement. Je lui rappelle que la ministre des finances, Natalie Jaresko, vient de prendre pour conseiller Arthur Laffer (“Government is the problem !…”), un ancien des cabinets de Reagan et Thatcher.
Benoît Vitkine s’étonne, enfin, qu’on ose mentionner la forte présence américaine en Ukraine ou l’existence d’une nouvelle guerre froide. Je lui conseille la lecture d’un excellent papier de Sylvie Kauffmann à ce sujet publié le 15 novembre 2014 (“A l’Est, rien de nouveau”) dans les colonnes… du Monde. Au vu de ce florilège, il me vient comme un doute : est-ce qu’on ne m’aurait pas piqué mes lunettes déformantes ?… »
Un regard américain sur le documentaire « Ukraine : les masques de la révolution »
Le site Consortium News est dirigé par Robert Parry, une légende du journalisme d’investigation américain. C’est lui qui a révélé pour Associated Press et Newsweek, le Iran Contragate donnant naissance à l’historique Commission Kerry. En 2015, son site, Consortium News a reçu le prestigieux IF Stone Award.
« Les Américains n’ont pas été informés de la vilaine réalité de la révolution ukrainienne en 2004 (…) qui a installé un régime soutenu par les Etats-Unis, farouchement anti-Russe, appuyé par des groupes armés néo-nazis. Mais un documentaire français a osé exposer cette dure réalité » Consortium News (à lire ici, en anglais)
Extraits de l’abondante revue de presse (cliquer sur les liens)
Un groupe de journalistes français en Ukraine ont attaqué le documentaire « Les masques de la révolution » de Paul Moreira en dénonçant deux « erreurs factuelles ». Elles sont toutes les deux fausses.
Paul Moreira répond à leur lettre ouverte
vendredi 5 février 2016 (publié également sur le site de L’OBS)
Quand j’ai commencé cette enquête sur l’Ukraine, j’ai découvert avec sidération à quel point le massacre d’Odessa en mai 2014 avait disparu de la mémoire du grand public français. En fait, c’était même un évènement inconnu… Une info à bas bruit, de celles qui ne laissent pas de traces dans les cerveaux : 45 personnes tuées dans un incendie au cœur d’une grande ville européenne en plein milieu du XXIème siècle. Les victimes étaient des Ukrainiens d’origine russe morts dans l’incendie d’un bâtiment provoqué par les cocktails Molotov de milices nationalistes ukrainiennes.
Après une rapide recherche, je découvrais que le massacre n’avait pas été censuré. Il avait été abordé, évoqué, mais jamais vraiment enquêté. Comme s’il gênait, malgré les heures d’images insoutenables sur You Tube. C’est cette curieuse absence qui m’incita à lancer ce documentaire.
Aujourd’hui, dans une lettre ouverte qui m’est adressée, des correspondants français en Ukraine affirment qu’ils ont bien « reporté, étudié, documenté » le massacre à l’époque. Peut-être mais au cours de plusieurs semaines de recherches, je n’ai pas trouvé trace d’une enquête solide et fouillée sur les responsabilités dans la tuerie. L’enquête judiciaire ukrainienne a été évaluée puis disqualifiée par le Conseil de l’Europe en octobre 2015. Le massacre d’Odessa est resté classé dans la catégorie des événements « opaques » ou « troubles », donc non existants. A mon sens, ce n’est pas la faute des journalistes. Pour qu’on parle de ces morts, il aurait fallu que nos démocraties s’en émeuvent un peu, officiellement, solennellement. Des réactions fortes des chancelleries. Des communiqués des Ministères des Affaires étrangères. Après l’invasion russe de la Crimée, les populations russophones, dans ce conflit, allaient garder le mauvais rôle. La guerre est aussi (et peut-être surtout) une guerre de la perception.
Qu’est ce qui s’est passé ce 2 mai 2014, à Odessa ? Je l’ai découvert après avoir visionné des heures d’images, interviewé des dizaines de témoins, retrouvé des victimes et des agresseurs, croisé les récits jusqu’à obtenir une relation des faits qui fasse sens de cette furie. Précision importante : je n’ai interviewé et diffusé que les témoins directs des faits, les gens que je voyais dans les images amateur, cela me permettait de filtrer un peu les exagérations et les mensonges qui naissent toujours, du côté des attaquants comme des victimes. Le résultat de ce travail minutieux est au cœur du film qui a été diffusé lundi soir par Canal Plus.
Lors de mon enquête sur ce massacre à bas bruit, j’ai vu l’importance des milices nationalistes. Elles étaient en première ligne dans les combats de rue à Maïdan, puis s’étaient formées en bataillons pour aller combattre à l’Est les troupes russes. Mais ces bataillons ne s’étaient pas dissous dans l’armée. Ils ne s’imposaient pas la même discipline. Ils pouvaient servir de supplétifs au gouvernement. Ou bien s’ériger en police parallèle. Ou encore en force armée insurrectionnelle menaçant le nouveau gouvernement de Kiev. Et, oui, dans leurs rangs, les signes d’une idéologie néo-nazie étaient patents.
Dans leur lettre, les correspondants en Ukraine précisent qu’ils ne sont pas choqués par la thèse du film -la « mise en danger de l’avenir du pays par les groupes d’extrême droite »- puisqu’ils la démontrent eux-mêmes « de longue date ». Ils ont « en permanence traité de cette question dans leur couverture des événements en Ukraine. »
Nous partageons donc les mêmes conclusions. Ce n’est pas le cas des réseaux militants qui de tribune en blog n’ont cessé d’attaquer le film afin d’amoindrir l’importance et le péril posés par ces groupes.
Dans une autre tribune, je suis accusé de faire partie d’une sorte de complot de la gauche altermondialiste alignée sur Poutine. Je suis habitué à ce genre d’accusations. Chacun de mes films en suscite. J’essaye d’être équilibré.
Je savais que j’allais rencontrer une opposition virulente. Je ne m’attendais pas à tomber sur un tel déni, des réactions parfois ahurissantes. Sur un site ukrainien, je suis qualifié de « terroriste » à la solde des services secrets russes. On demande l’interdiction du film. Et même l’ambassadeur d’Ukraine fait pression sur Canal Plus. C’est ce qui m’étonne le plus car dans mon film, je n’amalgame jamais le gouvernement ukrainien et les bandes paramilitaires, bien au contraire je montre leur capacité d’opposition violente, et même l’attaque du parlement.
Venons-en aux critiques détaillées portées par la lettre des correspondants. Mes confrères m’accusent de produire des « informations non recoupées », des « erreurs factuelles », des « manipulations de montage ». Et ils citent deux exemples. Tous les deux faux.
Premier exemple : on me reproche d’utiliser des images de défilés des bataillons néo-nazis postérieurs au Maïdan. Ces images sont une achronie posée là en ouverture de film. Elles illustrent un commentaire annonçant ce qui va suivre dans le documentaire. Et il ne s’agit pas d’une enquête sur ce qui s’est passé en février 2014. J’explique aux spectateurs ce que le film va explorer, les trois composantes des groupes paramilitaires ukrainiens d’extrême droite :
Qui étaient ces gens masqués ?…
Qu’étaient-ils devenus maintenant que les caméras avaient quitté l’Ukraine ?…
Est-ce que l’histoire était vraiment finie ? »
Toute l’enquête s’inscrit dans l’après Maïdan. Je ne pense pas être ambigu.Deuxième exemple, ils parlent « d’approximations sur les affiliations partisanes de personnages-clé » du film. Mais ils ne citent aucun nom. De qui parle-t-on ? Des trois personnages clé du film ? Biletsky ne serait pas le chef de Azov ? Moissichuk n’est pas député du Parti radical d’Oleg Liashko ? Gordienko n’est pas membre d’une milice ukrainienne d’Odessa ?Ensuite, on me reproche des effets de pourcentage éditorial. Comme s’ils ne savaient pas qu’en 52 minutes on ne peut pas tout dire.
Je n’aurais jamais, ou plutôt pas assez parlé du caractère démocratique de la révolution Maïdan, or j’ouvre précisément le film là dessus, sur les demandes légitimes des insurgés (je ne dis pas non plus qu’ils renversent un président démocratiquement élu mais cette simplification là semble ne gêner personne).
J’aurais « évacué » la guerre du Donbass. Ou du moins, je n’aurais pas fait assez long et trop en milieu de film. En vérité, j’explique dans un long passage (très long pour la narration documentaire) la présence des Russes, la propagande de Poutine, la faiblesse de l’armée ukrainienne, les groupes paramilitaires qui deviennent des bataillons et la tension dans le pays. Je n’ai donc rien « éludé ».
Enfin, mes confrères glissent en conclusion l’accusation de « paresse intellectuelle ». Je leur suggère de ne pas rabaisser le débat au niveau de l’insulte, ça ne grandit personne.
Paul Moreira
Sept, le site d’investigation suisse, a enquêté sur le journaliste Stephane Siohan qui est à l’origine de la violente « Lettre ouverte » de correspondants en Ukraine.
« (…) A la lumière de ce seul exemple, on peut douter que les journalistes faisant la morale à Paul Moreira soient sérieux (…) » A LIRE ICI
Documentaire « Ukraine : les masques de la révolution » : réponse aux critiques par Paul Moreira
samedi 30 janvier 2016
Quand j’ai commencé cette enquête sur l’Ukraine, j’ai découvert avec sidération à quel point le massacre d’Odessa en mai 2014 avait disparu des mémoires… 45 personnes tuées dans un incendie au coeur d’une grande ville européenne en plein milieu du XXIème siècle. Tout avait été filmé par des dizaines de caméras et de téléphones portables. Autour de moi, personne ne s’en souvenait.
45 Ukrainiens d’origine russe sont morts dans l’incendie d’un bâtiment provoqué par les cocktails Molotov de milices nationalistes ukrainiennes.
Après une rapide recherche, je découvrais que l’évènement n’avait pas été censuré. Il avait été abordé, évoqué, mais jamais enquêté. Comme s’il gênait.
Pourquoi ? Probablement parce que les victimes étaient d’origine russe. Ces victimes étaient rapportées comme des « personnes », sans qu’on sache qui elles étaient, qui les avaient tuées et pourquoi elles étaient mortes. Des « personnes » qui n’étaient personne.
Pour qu’on parle de ces morts, il aurait fallu que nos démocraties s’en émeuvent un peu, officiellement, solennellement. Des réactions fortes des chancelleries. Des communiqués des ministères des Affaires Etrangères. Et après l’invasion russe de la Crimée, les populations russophones, dans ce conflit, allaient garder le mauvais rôle.
Qu’est ce qui s’est passé ce 2 mai 2014, à Odessa ? Je l’ai découvert après avoir visionnés des heures d’images, interviewé des dizaines de témoins, retrouvé des victimes et des agresseurs, croisé les récits jusqu’à obtenir une relation des faits qui fasse sens de cette furie. Précision importante : je n’ai interviewé et diffusé que les témoins directs des faits, les gens que je voyais à l’image, cela me permettait de filtrer un peu les exagérations et les mensonges qui naissent toujours, du côté des attaquants comme des victimes. Le résultat de ce travail minutieux est au coeur du film qui est diffusé lundi soir par Canal+.
Lors de mon enquête sur ce massacre à bas bruit, j’ai vu l’importance des milices nationalistes. Elles étaient en première ligne dans les combats de rue à Maïdan, puis s’étaient formées en bataillons pour aller combattre à l’Est les troupes russes. Mais ces bataillons ne s’étaient pas dissous dans l’armée. Ils ne s’imposaient pas la même discipline. Ils pouvaient servir de supplétifs au gouvernement. Ou bien s’ériger en police parallèle. Et, oui, dans leurs rangs, les signes d’une idéologie néo-nazie étaient patents.
Mon enquête allait à l’encontre de la narration communément admise. Je savais que j’allais rencontrer une opposition virulente, qu’on allait m’accuser de faire le jeu de Poutine, de reprendre des éléments de sa propagande. Je ne m’attendais pas à tomber sur autant de déni, frisant parfois l’hystérie. Sur un site ukrainien, je suis qualifié de « terroriste » à la solde des services secrets russes. On demande l’interdiction du film. Et même l’ambassadeur d’Ukraine fait pression sur Canal+. C’est ce qui m’étonne le plus. Car il me semble que l’Ukraine doit de toute urgence se poser la question de ces groupes paramilitaires. Ils sont, comme l’affirme le film, la plus grande menace pour la démocratie ukrainienne.
Renoncer à dire ce que l’on sait parce que « ça fait le jeu de la propagande » russe, c’est soi-même devenir un propagandiste. On omet. Pas parce qu’on est menteur mais parce qu’on est pétri de bonnes intentions. Ne jamais oublier : de ces renoncements, naissent les pires théories du complot.
En France, les accusations sont venues principalement de deux blogs militants et d’un papier inhabituellement violent du journaliste chargé de l’Ukraine au Monde, Benoit Vitkine. Dans les trois publications, les arguments se ressemblent. Je n’ai pas assez nuancé ma perception de l’extrême-droite, elle va du néo-nazi brun-foncé, au beige clair du nationalisme. J’ai exagéré l’importance de ces groupes paramilitaires armés de kalachnikovs et parfois de tanks. Je n’ai pas assez souligné leur rôle héroïque dans leur combat contre les Russes. J’ai exagéré l’influence des Américains dans le changement de régime.
Et puis on met en cause certaines erreurs factuelles.
Je vais tenter d’y répondre ici.
Pour mettre en cause la rigueur de mon documentaire Benoit Vitkine ne cite qu’un seul exemple. Il m’accuse d’avoir sorti de mon imagination la fabrication d’une nouvelle génération de chars par le bataillon nationaliste Azov (pour lequel il semble nourrir une indulgence attendrie). C’est pourtant le cas. Et André Biletsky, le chef du bataillon, m’en a fait l’éloge avec beaucoup de fierté. 1,20 m de blindage à l’avant et des caméras vidéo en guise pilotage. On peut trouver les détails techniques de ces nouvelles bêtes de guerre ici.
Par ailleurs, Benoit Vitkine ne l’ignore pas, André Biletsky vient de l’extrême droite la plus radicale. Son poids électoral est faible (il est député tout de même) mais son poids en acier et en hommes aguerris est fort.
Ensuite, Benoit Vitkine insinue, sans rien citer à l’appui, que mon propos serait de mettre en lumière « l’installation d’un nouveau fascisme en Ukraine. » Vitkine doit être sacrément en colère pour écrire des choses pareilles. Je n’ai jamais dit que le fascisme s’était installé en Ukraine. La phrase clé de mon doc est : « La révolution ukrainienne a engendré un monstre qui va bientôt se retourner contre son créateur. » Puis je raconte comment des groupes d’extrême droite ont attaqué le parlement et tué trois policiers en aout 2015. Jamais je n’ai laissé entendre qu’ils étaient au pouvoir. Même si le pouvoir a pu se servir d’eux.
Le seul « bon point » que veut bien me décerner Benoit Vitkine, c’est d’avoir travaillé sur le massacre d’Odessa, un « épisode souvent négligé ». Je ne vous le fais pas dire, cher confrère…
Anna Colin-Lebedev tient un blog sur le site Mediapart. Elle, en revanche, me reproche justement mon traitement du « drame » d’Odessa. Elle prend un soin précautionneux à ne jamais écrire le mot « massacre », « tuerie », à ne jamais nommer précisément la sauvagerie de ces meurtres. Anna Colin-Lebedev affirme que ce « drame » donc n’est pas passé sous silence du tout. Et comme unique preuve, elle pose en référence des papiers publiés… un an après les faits. Ceux du Monde (de Benoit Vitkine) et de The Economist.
Un blogueur Olivier Berruyer, s’est livré à l’analyse des titres dans les jours qui ont immédiatement suivi le massacre. Cette analyse est disponible sur son site.
Anna Colin-Lebedev me reproche un récit « centré sur les larmes des victimes ». C’est vrai, j’ai donné la parole à une mère de famille qui avait perdu son fils de 17 ans, Vadim Papura. Elle m’a parlé avec réticence, elle était certaine que je ne garderais pas ses déclarations, que l’Occident ne se souciait pas de leur sort.
Je donne la parole aussi à des nationalistes ukrainiens dont certains avouent même un remord. J’ai interviewé les témoins directs de tout bord.
D’après Anna, tout est de la faute de la police, pas suffisamment efficace. C’est là dessus que le film aurait du se concentrer, affirme-t-elle. Pas sur les miliciens qui lancent des cocktails Molotov sur le bâtiment ou achèvent les blessés à terre. Pas sur le fait qu’aucun de ces tueurs n’a fait de prison et que le gouvernement ukrainien a saboté toute enquête judiciaire, comme le rappelle le papier de The Economist qu’elle a la bonté de citer en référence mais qu’elle n’a peut-être pas pris le temps de lire.
Voilà pour l’essentiel des critiques concrètes.
Après, on descend dans le minuscule.
Ainsi, Anna Colin-Lebedev me dit que j’évoque la présence du symbole d’Azov à Maïdan alors que le bataillon n’était pas encore créé. Il sera formé 3 mois plus tard. Certes, mais pour moi, c’est juste un changement de nom : leur symbole est partout à Maïdan, c’est celui du groupe Patriotes d’Ukraine; c’est le même chef, Biletzky, les mêmes hommes et ils se transformeront en bataillon militaire pour aller combattre à Marioupol. Donc, pour des raisons de clarté, j’ai pris la décision éditoriale de ne pas rentrer dans ce niveau de détail. Et ce fameux symbole, ça n’a pas l’air d’émouvoir mes critiques, est emprunté à une division SS, Das Reich.
Igor Moisichuk, d’après Anna Colin-Lebedev, n’était pas porte-parole du Pravy Sektor. Pourtant, il était présenté comme tel dans ce débat télévisé.
Igor est une figure des groupuscules nationalistes qui naviguait entre Azov et Pravy Sektor mais c’était surtout un escroc qui jouait pour son compte personnel. Il a fini par rejoindre le parti Radical et il a été emprisonné, devant notre caméra, après avoir extorqué 100 000 Krunas à un gars de son parti.
Dans le blog « Comité Ukraine » tenu par Renaud Rebardy, je suis accusé de ne pas signaler que le bataillon Azov avait intégré l’armée régulière.
Renaud Rebardy, aura mal entendu et surtout mal compris la nature des relations entre Azov et le gouvernement ukrainien.
Voilà le verbatim du commentaire tiré du film quand je rencontre Azov :
» Officiellement, cette brigade obéit à l’armée nationale ukrainienne. Et pourtant, nombre d’entre eux restent masqués. »
Et voilà ce que me dit leur chef André Biletsky sur leurs moyens :
» – Bon, si on parle finances, en ce qui concerne l’armement, il nous est fourni par l’Etat ainsi qu’une partie de notre équipement. Tout le reste est le fruit du travail des activistes parmi lesquels il y a des petits et des moyens businessmen qui investissent de l’argent et qui rendent tout cela possible. »
Lors de l’interview et dans des propos que j’ai finalement coupés au montage, Biletsky profère une menace voilée contre le gouvernement qu’il juge trop corrompu. La subtilité de Azov c’est qu’ils sont officiellement dans l’armée mais qu’ils gardent une grande marge d’autonomie.
Ensuite, Renaud Rebardy affirme qu’il n’a « jamais été question » de supprimer le russe comme langue officielle dans 13 régions ukrainiennes.
Les faits : le parlement ukrainien l’a proposé le 23 février 2014 et dès le lendemain la guerre démarrait. Les populations russophones s’inquiétaient pour leur avenir et Poutine en profitait pour déclencher des manoeuvres militaires. Le 28 février, le président ukrainien abroge la mesure. Mais c’est trop tard, le diable était sorti de la boite.
Renaud Rebardy, toujours, m’accuse de signaler que la nouvelle ministre des Finances ukrainienne est une ancienne diplomate américaine.
Natalie Jaresko a été naturalisée ukrainienne en décembre 2014 pour entrer au gouvernement.
Elle a travaillé d’abord comme diplomate au State Departement, spécialisée dans les pays de l’Est, de 1989 à 1995 mais par la suite, elle a maintenu un lien fort avec le gouvernement américain puisqu’elle a pris la présidence du Western NIS Enterprise Fund (WNISEF), un fond d’investissement chargé d’investir de l’argent d’une agence d’état américaine (USAID) dans l’économie ukrainienne. Elle y restera jusqu’à sa prise de poste au gouvernement ukrainien (en plus du fonds d’investissement privé qu’elle dirigeait : Horizon Capital).
C’est pas banal, non ?
Benoit Vitkine m’accuse de signaler que les nouveaux ministres de l’Economie sont « pro-business ». C’est pourtant de cette politique qu’ils se revendiquent : « agressivement pro-business », j’ai ça dans mes rushes. Et ça se traduit, par exemple, par une multiplication par quatre des prix du gaz. Entre autres.
Rebardy m’accuse aussi d’être trop sévère avec Oleg Tiagnibok, le chef de Svoboda. Je dis de lui : « Historiquement, il appartient à la mouvance néo-nazie« .
Cet homme a maintes fois déclaré qu’il voulait débarrasser le pays de sa « mafia judéo-moscovite » il utilise assez souvent le terme de » youpin ». Il a par ailleurs été le fondateur du parti social-national (ça vous rappelle quelque chose ?).
Autre critique, venue du blog militant euromaidan : j’ai donné la parole à Alexis Albou, un militant communiste d’Odessa qu’ils accusent d’être homophobe et rouge brun.
Pourquoi j’interroge Albou ? Pas sur ses opinions mais parce que j’ai découvert sur les images amateur sa présence dans le bâtiment d’Odessa, ce fameux 2 mai 2014. Et, je le rappelle, mon dispositif est de retrouver les gens qui sont sur les images et les faire commenter ce qu’on voit. J’essaye d’établir les faits. Et ce qui m’intéressait avec Albou, c’est qu’on le voit sortir intact de la maison des syndicats puis, peu après, à terre, très gravement blessé à la tête.
Qu’est ce qui s’était passé entre les deux ?
Enfin Anna Colin-Lebedev a relevé une phrase écrite dans la présentation du site internet de Premières Lignes qui annonce mon documentaire : « Personne ne s’est vraiment demandé qui ils (les groupes paramilitaires nationalistes ukrainiens) étaient« . Cette phrase est bien évidemment factuellement fausse. Mais si elle a vu le film et écouté surtout, elle sait que cette phrase ne s’y trouve pas. Elle a été écrite pour « vendre » le film sur le site internet de la boite de production et on peut donc l’imputer à un marketing maladroit.
Ceci étant dit. Si on en reste au niveau de la perception publique globale, oui, il est clair que le grand public ne connait ni l’importance des groupes néo-nazis ukrainiens, ni l’existence du massacre d’Odessa. Et cela, parce que cette question a été sous-traitée (ce qui est différend de : pas traité du tout). On sait, un peu, que du côté russe, des nationalistes d’extrême droite sont allés combattre dans le Donbass. Mais moins de l’autre bord.
Pour conclure, j’invite tout le monde à regarder le film, lundi soir sur Canal+ et de se faire son jugement sur pièces. Car, sur les réseaux sociaux, les gens qui m’insultent et me menacent sont précisément ceux qui n’ont pas vu le documentaire. Ils l’ont imaginé. La foi est une drogue puissante.
Paul Moreira