Stade de Nice : Cash Investigation répond à Christian Estrosi
Paris, le mardi 18 octobre 2016 (mise à jour le 21 octobre) – L’équipe de Cash investigation tient à répondre aux accusations de M. Christian Estrosi au sujet de l’enquête sur le stade de Nice diffusée dans le numéro du 18 octobre « Marchés publics : le grand dérapage » (à revoir ici)
Interrogé le vendredi 14 octobre sur le plateau de « Cash investigation », le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, a affirmé à Elise Lucet : « Je vous ai demandé, sans que vous n’ayez besoin de venir à ma rencontre, de participer à cette émission à la condition du direct, vous ne pouvez pas dire le contraire. »
Tout au long de notre enquête, nous avons sollicité une interview de Christian Estrosi. Il nous a répondu par lettre recommandée le 29 février 2016, puis le 13 mai qu’il ne pouvait répondre favorablement à notre demande d’interview, parce qu’une procédure judiciaire est en cours. Voici ses courriers :
Pour que Christian Estrosi accepte de s’exprimer, il a fallu qu’Elise Lucet et l’équipe de « Cash investigation » viennent à sa rencontre, le lundi 10 octobre à 9 heures, à Paris.
Par ailleurs, dans un courrier adressé au CSA par Christian Estrosi le 17 octobre (courrier qu’il a lui-même rendu public), l’ancien maire de Nice reproche plusieurs points à l’enquête auxquels l’équipe de « Cash investigation » répond :
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« ‘Cash investigation’ affirme que ce contrat n’est pas public et serait couvert par le secret des affaires. Faux. Le contrat et les annexes PPP sont des documents publics et communicables conformément à la loi de 1978. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Les contrats partenariat public-privé (PPP) et leurs annexes sont effectivement théoriquement des documents communicables. Cependant, au cours de cette enquête, nous avons sollicité la mairie de Nice pour obtenir le contrat du partenariat public-privé du stade de Nice et ses annexes. Notre première demande a été faite par courriel le 13 novembre 2015. La mairie n’a jamais répondu par écrit. Par téléphone, il a été indiqué au journaliste Loïc Tanant « qu’il n’était pas possible de lui communiquer le contrat et ses annexes ».
Ce « secret des affaires » est invoqué dans le documentaire de « Cash investigation » par le président de la Chambre régionale des comptes pour refuser de transmettre au journaliste le contrat et ses annexes. De plus, Frédéric Marty, chercheur du CNRS, l’un des meilleurs spécialistes des partenariats public-privé, affirme dans le documentaire qu’en grande partie, ces contrats ne sont pas publics. Il ajoute que « ces contrats sont couverts théoriquement par le secret des affaires ». Sur le plateau du débat de « Cash Investigation », tourné le vendredi 14 octobre, en fin d’après-midi, Christian Estrosi affirme que le contrat passé entre la ville de Nice et Vinci pour la construction du stade est « un document public, il est consultable par tout le monde et il a été consulté par tout le monde voilà pourquoi je vous prends en défaut d’avoir diffusé de fausses informations dans votre reportage ».
C’est inexact. A l’heure de l’enregistrement du plateau le 14 octobre, le contrat et les annexes n’étaient pas consultables sur le site internet de la mairie de Nice. Ce n’est qu’après l’enregistrement que la mairie de Nice a mis en ligne le contrat et ses annexes, comme en atteste l’horodatage indiqué dans les propriétés des documents mis en ligne (pour le contrat, le 17/10/2016 à 13h47 ; pour les annexes 1 à 3 par exemple, le 19/10/2016 à 12h04).
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« ‘Cash investigation’ affirme que le coût du PPP est plus cher que le coût en maîtrise d’ouvrage publique. Faux. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Frédéric Marty, chercheur au CNRS, spécialiste des PPP en France, s’est plongé pour « Cash » dans le contrat de la ville de Nice et ses 24 annexes. Voilà ce qu’il dit dans le documentaire : avec une « maîtrise d’ouvrage public avec un financement 100% public, en achetant simplement un stade, la facture aurait pu être largement plus faible ». Car rappelons-le : le privé emprunte à des taux beaucoup plus élevés que le public. Et donc ça fait monter mécaniquement la note du PPP.
Citation du courrier de M. Estrosi au CSA :
« Face à tous ces mensonges, (…), nous rendons public aujourd’hui un rapport d’analyse financière d’Ernst & Young qui démontre que le choix du PPP et les subventions des différents partenaires était le meilleur choix pour les Niçois. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Quelques précisions s’imposent :
Sur le coût du stade de Nice, le chiffrage du cabinet américain Ernst & Young est proche de celui de la Chambre régionale des comptes, dont Christian Estrosi conteste la compétence et le sérieux.
L’évaluation du coût du stade de Nice sur 27 ans est, selon Ernst & Young, de 329 à 349 millions d’euros. Mais si on ajoute, les pertes fiscales (22 millions d’euros et près de 7 millions d’euros pour le manque à gagner dû à l’absence de redevance d’occupation des locaux du musée du sport), on retombe sur le chiffre de la Chambre régionale des comptes (372 millions d’euros). Christian Estrosi justifie le choix du partenariat public-privé par un rapport commandé à posteriori pour répondre aux observations de la Chambre régionale des comptes. C’est l’étude d’un autre cabinet, PricewaterhouseCoopers, qui a conduit au choix du PPP. Dans ce premier rapport, il n’est fait aucune comparaison entre un projet en PPP et en Maîtrise d’Ouvrage Publique.
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« ‘Cash investigation’ affirme que la ville paie une redevance de 12 millions d’euros par an. Faux. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Ce chiffre de 12 millions d’euros est le coût annuel de la redevance lissée sur 27 ans. Ce chiffre a été obtenu à partir du chiffrage de la Chambre régionale des comptes et de son évaluation du coût net du stade sur 27 ans (372 million d’euros).
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« ‘Cash investigation’ affirme que le stade est surdimensionné. Faux. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Que le stade soit surdimensionné n’est pas un scoop. Nice Matin et Le Parisien-Aujourd’hui en France l’ont écrit avant nous.
Le stade de Nice a une capacité de 35 000 places, mais il est bien loin de faire le plein. L’affluence moyenne se situe à 19 309 spectateurs pour la saison 2014-2015 et pour la saison suivante, à 19 192 spectateurs (source Ligue de football professionnelle – 18 000 selon L’Equipe, Le Parisien-Aujourd’hui en France et Nice Matin) pour la saison 2015-2016, soit une baisse de fréquentation de 0,6%. Le taux de remplissage, lui, dépasse péniblement les 50% sur ces deux saisons.
Quant à la saison 2016-2017, elle est loin d’être terminée et il est donc impossible d’avoir une moyenne annuelle. Enfin, une précision : pendant le débat sur le plateau de « Cash investigation », Christian Estrosi affirme que nous sommes allés filmer le match Nice-Caen. Mais il a dû regarder notre documentaire un peu trop vite. Les 14 541 spectateurs évoqués dans le reportage sont les supporters présents lors de la rencontre Nice-Bastia le 26 février 2016.
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« Ce stade a permis d’accueillir l’Euro, qui a généré 177 millions d’euros de retombées économiques. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Sur le plateau de « Cash », l’ancien maire a même été plus précis : ce chiffre viendrait de l’UEFA. C’est inexact. Il s’agit du travail réalisé par quatre étudiants de l’Isem (Institut supérieur d’économie et de management) pour la Direction des sports de la ville de Nice.
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« ‘Cash investigation’ affirme que le prix du stade rapporté à la place est le plus cher de France. Faux. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Selon le rapport définitif de la Chambre régionale des comptes, page 43, il apparaît que le stade de Nice est bien le plus cher de France construit en partenariat public-privé. Nice est à 5 890 euros/place, Lille à 5 760 euros/place, Bordeaux à 4 350 euros/place.
Citation du courrier de Christian Estrosi au CSA :
« La ville de Nice et ses élus seraient visés par la justice. Faux. »
Réponse de l’équipe de « Cash investigation » :
Nous n’avons jamais écrit que la ville de Nice et ses élus étaient visés par la justice. Voici le verbatim du commentaire du documentaire : « Le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme, corruption et détournement de fonds publics. Dans l’affaire, la mairie de Nice et le siège de Vinci ont été perquisitionnés. » L’enquête préliminaire du parquet national financier est ouverte depuis le 4 mars 2015, à la suite du signalement de la Chambre régionale des comptes.