Armes, l'héritage toxique
Jusque dans les années 2000, la France a immergé, enfoui ou détruit des milliers de tonnes de munitions sur de nombreux territoires et dans les profondeurs de lacs et de mers. Au large de Fouras en Charente-Maritime ou dans les lacs des Vosges, les pêcheurs remontent chaque année des grenades, des obus et des missiles.
Longtemps oubliées, ces décharges libéreraient aujourd’hui des polluants toxiques, cancérigènes ou susceptibles de causer des malformations génétiques.
Pendant un an, Mathilde Cusin, Manon de Couët, Martin Boudot et l’équipe de Vert de rage ont mené une enquête inédite sur les conséquences des activités militaires avec l’aide de scientifiques français et allemands.
Dans le Grand-Est et les Hauts-de-France, les journalistes ont notamment prélevé vingt échantillons d’eau du robinet à proximité d’anciens sites de stockage et de destruction, ou de sites militaires toujours en activité. Dix-sept d’entre eux contiennent des résidus d’explosifs, dont deux à des taux dépassant les recommandations de l’agence de santé américaine pour le RDX* – la seule norme existante à ce jour pour encadrer les explosifs dans l’eau de consommation.
Dans une séquence de prélèvements impressionnante dans le lac de Gérardmer dans les Vosges, des valeurs importantes de TNT ont été relevées à proximité de munitions immergées à la fin de la Première Guerre mondiale. Pourtant, le lac est régulièrement utilisé pour compléter les ressources en eau de la commune avoisinante.
Les résultats de l’enquête ont été repris par les médias et relayés par des maires, des élus en région et jusqu’au Sénat, pour pousser le gouvernement à réagir.
Cette pollution liée à l’armement aurait déjà fait des victimes en Europe. En Italie, en Sardaigne, le paysage et la santé de certains habitants auraient été impactés par les exercices classés « secret défense » dans le plus grand camp d’essais militaires de l’OTAN. Au cours des dernières décennies, des cancers et des malformations se sont multipliés dans les villages alentour.
Les prélèvements réalisés par les journalistes ont permis de révéler la présence de TNT, de titane et de plomb à des taux élevés à proximité du camp de l’OTAN.
Les résultats de cette nouvelle enquête de Vert de rage résonnent jusqu’au Parlement européen.