L'équipe de Cash Investigation répond à Limagrain
Paris, le 20 juin 2019 – Au lendemain de la diffusion de l’enquête de Cash Investigation intitulée « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes » , Limagrain a réagi par communiqué de presse à notre documentaire. Ce communiqué apporte des éléments.
Mardi 18 juin, France 2 a diffusé une enquête de Cash Investigation intitulée « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes ». Elle portait notamment sur le travail des enfants et les conditions de rémunération des femmes dans le secteur de la semence en Inde, secteur qui fournit Basf, Dupont, Bayer/Monsanto, Syngenta et Limagrain.
Au lendemain de la diffusion de notre enquête, Limagrain a réagi par communiqué de presse à notre documentaire, reprenant les réponses apportées à Elise Lucet par Jean-Christophe Gouache, directeur des affaires internationales.
Ce communiqué apporte aussi des éléments qui s’avèrent inexacts ou incomplets. Afin de permettre aux téléspectateurs d’avoir l’information la plus complète possible, nous avons décidé de donner ces compléments d’information.
Sur le travail des enfants
Communiqué de presse du 19 juin 2019 de Limagrain :
« Concernant Limagrain en 2018, l’ONG ICN a produit un rapport qui indique que pour les sous- traitants ayant travaillé pour Limagrain, seuls deux enfants ont été identifiés sur 700 fermes contrôlées (soit moins de 1%)…»
Réponse de Cash Investigation :
Ce chiffre de 1% dont fait état Jean-Christophe Gouache dans l’interview avec Elise Lucet, n’est pas un chiffre résultant du travail de l’ONG ICN. C’est un chiffre fourni par Limagrain à l’ONG. Il est mentionné comme tel page 12 du document publié par l’ONG en juin 2018, document qui n’est pas un rapport d’inspection comme en 2015 mais plutôt un récapitulatif des déclarations des entreprises sur les actions qu’elles ont mises en place.
Le document est consultable ici.
Interrogé par la journaliste Linda Bendali, la réalisatrice du documentaire, sur la réalité de ce chiffre, le chercheur indien Davuluri Venkateswarlu qui coordonne le travail de collecte des informations, lui a bien précisé que les données fournies par Limagrain étaient des données internes au groupe.
Communiqué de presse du 19 juin 2019 de Limagrain :
« Tant qu’il subsistera un enfant au travail, ce ne sera pas satisfaisant et nous ne baissons pas la garde. Voici nos engagements et notre plan d’action (…) Nous avons donné tous ces éléments factuels à Cash investigation avant diffusion du reportage, mais ceux-ci n’ont pas été repris au montage. »
Réponse de Cash Investigation :
Pour mémoire, voici pourtant le verbatim d’un des extraits de l’interview de Jean-Christophe Gouache diffusée dans le documentaire :
« Elise Lucet : Chez vos sous-traitants qui travaillent pour Limagrain en Inde, vous nous affirmez qu’il n’y pas de travail d’enfants ?
Jean-Christophe Gouache : Nous sommes passés de ces 10 à 15% et ce n’est pas parfait à moins de 1% et donc toutes les mesures ont été prises.
Elise Lucet : Lesquelles ?
Jean-Christophe Gouache : Des mesures contractuelles d’interdiction du travail des enfants, tout un travail de formation et d’éducation, de sensibilisation et ensuite allant jusqu’à des sanctions pour être certains, autant que faire se peut, que le travail des enfants n’existe pas.
Elise Lucet : Autant que faire se peut ?
Jean-Christophe Gouache : Le travail des enfants, madame Lucet, c’est trop sérieux ce sujet-là. Il y a une tolérance zéro, madame Lucet. Est-ce que nous pouvons dans un territoire comme l’Inde avoir toutes les certitudes ? Probablement non. Mais la détermination, elle est sans faille madame Lucet. »
Sur les conditions de rémunération des femmes
Communiqué de presse du 19 juin 2019 de Limagrain :
« Toutes les personnes que nous salarions en Inde reçoivent une rémunération égale ou supérieure aux minimaux légaux où nous sommes implantés.
Nous avons remis à Cash Investigation des preuves sous la forme de grilles de salaires certifiés par des experts comptables avant diffusion mais celles-ci non plus n’ont pas été reprises au montage ».
Réponse de Cash Investigation :
Après l’interview de Jean-Christophe Gouache, Limagrain nous a envoyé un courrier présentant des documents censés être des grilles salariales. Après un examen attentif, nous avons relevé des incohérences et nous avons donc décidé de ne pas prendre en compte ces documents. Nous avons immédiatement informé Limagrain, par courriel et lettre recommandée, que nous ne les prendrions pas en compte, au vu des incohérences relevées. A la suite de notre courrier, le groupe n’est pas revenu vers nous.
Voici ce que nous avons relevé :
Premièrement, à en croire le listing des salariés permanents de HM Clause ci-dessous, la filiale de Limagrain, les salariés surlignés en jaune, gagneraient 386 roupies soit 4,96 euros par mois.
Deuxièmement, voici le second document que nous a transmis le groupe. Selon Limagrain, il s’agit de la liste des contractuels de HM Clause, c’est à dire des agriculteurs sous-traitants non salariés. Or, nous retrouvons les mêmes noms (surlignés en jaune) et dans le même ordre que dans la liste des salariés permanents de HM Clause.
Ces tableaux ont été visés par un expert-comptable local le 4 juin dernier, donc une semaine après l’interview accordée par Limagrain. Nous sommes surpris que celui-ci n’ait pas relevé ces incohérences.
L’équipe de Cash Investigation