Paul Moreira répond point par point aux attaques du géant des OGM
Le film de Paul Moreira, « Bientôt dans vos assiettes » (fiche du film, articles de presse, extrait), diffusé par CANAL+ en septembre 2014, établissait les dégâts causés en Argentine par une utilisation de plus en plus massive et incontrôlée de produits chimiques dangereux sur les zones de culture OGM.
L’existence de cocktails chimiques dangereux était révélée. Des combinaisons toxiques dont personne n’a évalué la dangerosité sur l’être humain.
Le film soulignait l’explosion des pathologies autour des champs transgéniques.
Pendant les six mois qu’a duré l’enquête, Monsanto a systématiquement refusé de s’exprimer devant une caméra ou même par écrit.
Aujourd’hui, alors que l’impact de nos révélations provoque des remous, les responsables de Monsanto publient une attaque en règle contre notre enquête sur leur site internet ainsi qu’une lettre à la direction de CANAL+ (lien). Ils citent aussi des sites internet qui leur sont acquis. L’objectif de ce tir groupé est de décrédibiliser l’enquête. De donner le sentiment qu’elle est controversée.
Nous allons donc ici répondre point par point à ces attaques. En essayant de garder le sourire.
Après avoir refusé pendant des mois de répondre à nos questions, oralement ou par écrit, Monsanto se réveille enfin.
A la lecture de leur lettre, nous nous demandons si la firme transgénique dispose d’un service de communication vraiment compétent.
Attention : loin de nous l’idée de dénier à une multinationale le droit de dénigrer un journaliste. Nous sommes de farouches défenseurs de la liberté d’expression même pour une entreprise condamnée en justice pour avoir menti au public dans des publicités pour son produit phare, le Round up, un désherbant à base de glyphosate.
Le courrier est signé du Directeur des Affaires Institutionnelles de Monsanto. Comme il semble avoir un avis très sûr en matière de déontologie de l’information, il nous chapitre en préambule sur ce qu’on est « en droit d’attendre d’un reportage dit d’investigation ».
De la « neutralité », écrit-il…
Au risque de vous décevoir, Monsieur le Directeur, ce qu’on demande à un journaliste d’investigation, n’est pas d’être neutre ou lisse mais d’établir des faits, même et surtout quand ceux ci sont dissimulés.
Et c’est ce que, bien modestement, ce film tente de faire.
Dans votre premier paragraphe, vous nous accusez de n’avoir pas rencontré des « agriculteurs argentins » pour leur demander quels sont les bienfaits des ogm, de leur point de vue.
Excusez nous mais à vous lire, nous sommes pris d’un doute : avez vous vu le film ?
Quand nous arrivons en Argentine, les deux premières personnes interviewées, les Vacarezza, utilisent vos produits.
Votre critique « A aucun moment la question de l’utilité des cultures OGM n’est posée » est fausse. Nous glissons l’extrait vidéo pour que chacun puisse se faire une idée.
Bon, en même temps, je vous comprend, vous n’êtes pas payés pour lui trouver des qualités, à ce documentaire…
– Sur l’alimentation animale transgénique, ensuite.
Vous affirmez qu’il n’existe aucun problème « documenté ».
Je vous rappelle qu’il existe une épidémie de diarrhée porcine dramatique dont, pour l’instant, on ignore la cause et qui touche des millions de bêtes sur la planète. Des bêtes nourries aux OGM.
Or, un éleveur danois touché par cette même diarrhée, Ib Pedersen, a décidé de cesser de donner du soja ogm au glyphosate à ses bêtes (il a été suivi par un autre éleveur dans le sud du pays). Il constate une amélioration, voire une éradication de la diarrhée. C’est vrai, cet éleveur est alors devenu un de vos principaux opposants.
Mais le gouvernement danois l’a pris suffisamment au sérieux pour nommer un scientifique afin de voir s’il peut exister un problème. Il a révisé la littérature scientifique concernant l’impact du glyphosate dans l’alimentation animale.
Nous l’avons interviewé. Pour des raisons de place nous ne l’avons pas gardé dans le film. Mais puisque vous soulevez le problème, nous allons mettre en ligne son interview sur notre site. Je ne vous cache pas qu’elle vous sera désagréable. Il s’agit de Martin Tang Sorensen, un scientifique indépendant de l’université de Aarhus.
Il affirme que sur cette question (impact du glyphosate sur les bactéries digestives) rien ou presque n’a été fait en termes d’étude de risque. Et qu’il faut lancer une recherche indépendante. Notez bien qu’il ne met pas en cause les ogm mais les résidus de pesticides dans les ogm. Vous trouverez le compte rendu de son rapport ici : http://dca.au.dk/en/current-news/news/show/artikel/behov-for-flere-undersoegelser-af-ukrudtsmiddel/
A l’issue de ce premier constat, je me demande dans quelles conditions est produit le soja transgénique et je pars vérifier en Argentine.
Et là, vous faites semblant de ne pas comprendre. Vous reconnaissez dans votre lettre que le glyphosate ne suffit plus à tuer les mauvaises herbes. Qu’elles deviennent résistantes. Que c’est bien connu, ça arrive toujours. Dont acte. Mais que ne le dites vous dans vos publicités alors ?…
Que n’expliquez vous aux agriculteurs qu’il leur faudra augmenter les doses et demain mélanger avec des produits de plus en plus dangereux pour pouvoir venir à bout de ces mauvaises herbes résistantes ?…
Votre promesse, c’était : toujours moins de produits chimiques, toujours moins d’impact toxique pour la planète.
C’est le contraire qui se passe.
Car là est le coeur de notre découverte. Pour contrôler les mauvaises herbes, les OGM ont besoin de cocktails de produits toxiques.
Le glyphosate ne suffit plus et les agriculteurs argentins sont en train non seulement d’augmenter les doses mais de faire des mélanges de pesticides dangereux de manière incontrôlée (du propre aveu du ministère des sciences). Des produits interdits en Europe. Et qui, oui, sont tératogènes, mutagènes et toxiques.
Vous ne pouvez pas répondre aux craintes suscitées par ces combinaisons d’herbicide en affirmant que le glyphosate est testé et qu’il ne donne pas le cancer. Il ne s’agit plus du glyphosate uniquement mais de synérgies chimiques inconnues.
Vous me reprochez de ne pas avoir rencontré d’experts pour leur poser la question.
C’est faux, une fois de plus. Contrairement à ce que vous dites nous avons posé la question à des agronomes de l’INTA (un organisme de recherche agronomique avec lequel vous collaborez étroitement). Comme vous pouvez le constater dans cette extrait. Et ce qu’ils disent est terrifiant.
Je répète donc la question, importante, à laquelle pendant plusieurs mois vous n’avez jamais répondu :
Existe-t-il, oui ou non, des études de risques sanitaires liés aux combinaisons de produits chimiques comme le 2,4 D, l’Atraxine et le Round up ? Et si oui, peut on les lire ?…
Vous le savez, les villages agricoles argentins qui bordent les champs de cultures transgéniques sont victimes de pathologies graves. Se peut-il que ces fameuses combinaisons de produits chimiques soient à l’origine de ces pathologies ? Devant une telle épidémie, n’est-il pas de votre devoir d’étudier la question ?
Cette augmentation des pathologies a été repérée par plusieurs structures médicales. (http://www.gmwatch.eu/files/Chaco_Government_Report_English.pdf).
Avez vous investi dans des enquêtes sanitaires auprès de ces populations ? Pensez vous que l’idée pourrait être légitime ?
Vous nous accusez d’avoir mentionné la republication de l’étude de Seralini sans « mention aucune » des critiques à son encontre d’une partie des scientifiques. C’est faux, nous diffusons la réaction d’un comité d’experts qui rejettent ses conclusions. Les avez vous vus ?…
Anecdote. La dame qui nous refuse une interview à la conférence organisée par votre lobby, Europabio, travaille bien pour Monsanto et représentait votre entreprise lors de cet évènement. Et vous le savez parfaitement.
Enfin, last but not least, votre accusation de ne pas vous avoir interviewés. On en rirait si ce n’était pas pitoyable.
Vous dites que nous ne vous avons pas « offert d’espace médiatique pour exposer sereinement (votre) métier »…
Voici donc la copie du mail que nous vous avons envoyé. Nous vous épargnons les cinq mails qui ont suivi pour n’aboutir à rien.
Nous sommes passés par les services de Fleishmann Hillard, l’entreprise de « relations publiques » qui vous représente en France.
« A l’attention de Monsanto France
Service Presse –
et Mathilde Bigot , FleishmanHillard Paris
Bonjour,
Je réalise pour la chaine canal plus un documentaire qui tente d’établir un premier bilan après 15 ans d’ogm. Nous sommes allés en Amérique Latine, où une majorité des cultures est ogm, soja notamment. Vos produits y sont très largement utilisés. Nous avons constaté un problème de plantes résistantes. Après quelques années de grande efficacité de vos herbicides couplés avec vos graines ogm, la nature a muté et les agriculteurs doivent trouver d’autres solutions.
Sur le terrain, on nous a indiqué avoir recours à des cocktails de produits chimiques. Des mélanges de divers produits. En fait, ces résistances ont déclenché une course aux produits chimiques et à une augmentation des doses. J’ai rencontré des agronomes qui m’ont dit ne pas connaitre l’impact de ces nouveaux cocktails de pesticides et herbicides.
Nous avons aussi été témoins de beaucoup de problèmes de santé dans les communautés qui bordent les champs. D’après les médecins, ce serait lié aux produits chimiques massivement employés. La marque Monsanto est régulièrement citée par nos interlocuteurs. Je pense qu’une interview de la part de Monsanto serait nécessaire.Je suis prêt à me déplacer aux USA s’il n’y a pas moyen de faire autrement. Sinon, nous pouvons organiser cela en France. Voici les quelques points importants sur lesquels une réaction serait la bienvenue.
– Existe-t-il un dossier d’évaluation sanitaire du Round Up et si oui pouvez vous me permettre d’y accéder ?
– Existe-t-il des évaluations des synérgies et interactions possibles entre différents herbicides-pesticides ? Par exemple : Round up (Glyphosate) + 2,4D + Atraxine… Ce n’est qu’une des combinaisons dont nous avons été témoins mais il y en a bien d’autres.
– Ces cocktails de produits chimiques, de l’aveu même des agronomes de l’INTA argentin avec lesquels vous collaborez étroitement, sont une pratique massive et en accélération en Amérique Latine. Ils nous ont affirmé ne pas connaitre l’impact de ces cocktails sur l’environnement et la santé des populations. Par manque d’études scientifiques et de visibilité. Est-ce pour vous un sujet d’inquiétude ? Et comment y faites vous face, très concrètement ?
– D’après les acteurs de terrain (médecins, politiques, société civile), il existe un lien statistique entre l’apparition de pathologies graves dans les villages ruraux et le développement du couple ogm-produits chimiques. Quelle est votre position à ce sujet ? Avez vous fait des études sanitaires pour tenter de savoir si les deux sont liés ? Et si oui, pouvez vous me dire où je peux y accéder ?
Je suis sûr que vous comprendrez l’intérêt qu’il y a pour le grand public à pouvoir répondre à ces questions en toute transparence.
Merci de votre aide.
Vous pouvez voir sur notre site internet l’étendue et le sérieux de nos productions :
Salutations distinguées,
Paul Moreira »
Nous avons répondu à toutes vos critiques. Nous attendons toujours votre réponse à notre principale question : avez vous étudié l’impact sanitaire des combinaisons de produits chimiques appliqués sur vos plantes OGM ?
6 commentaires
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Bonjour,
le documentaire spécial investigation du 18 Mai « Bientôt dans vos assiettes » n’est pas disponible sur canal +à la demande, j’ai posé la question à canal + pourquoi ce documentaire n’était pas disponible mais je n’ai eu aucune réponse .
Peut être que vous avez la réponse à ma question.
Merci pour votre réponse
Cordialement
A.Margontier
Bonjour,
Vous pouvez nous écrire à info@pltv.fr
Bien à vous
L’Équipe de Premières Lignes
Navré pour le retard de cette réponse, le documentaire n’est effectivement pas sur Canal+ à la demande, vous pouvez le commander ici, en VOD ou en format DVD : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=video&no=2841
Bien cordialement.
L’équipe PREMIERES LIGNES