Traqués...
L’ENQUÊTE
Les révolutions arabes n’auraient pas pu vaincre sans Internet. C’est la première vague d’insurrections horizontales, sans vrai leader, où l’information circule très vite, en réseau, sur twitter ou les portables, où les exactions du pouvoir sont systématiquement filmées et rendues publiques sur la toile, suscitant une émotion internationale et rendant aux démocraties occidentales l’indifférence plus difficile que jamais.
Auparavant existait l’état de siège. Tout rassemblement de plus de trois personnes était interdit.
Aujourd’hui, les séditieux restent chez eux, bien calfeutrés et ils complotent par ordinateur. Les autorités doivent donc se procurer des armes pour éliminer cette nouvelle dissidence.
Depuis quelques années, certains dictateurs s’équipent de dispositifs de surveillance, d’identification des communications, de géolocalisation et de filtrage des contenus. Ces dispositifs leur sont fournis par des entreprises occidentales.
D’un côté, les pays occidentaux ont indéniablement soutenu la libération des pays arabes. C’est le cas avec la Libye, où les frappes de l’Otan et la diplomatie française ont joué un rôle majeur dans la chute de Kadhafi.
Pourtant, en Syrie, c’est une entreprise américaine qui aurait fourni l’infrastructure de flicage électronique au régime du président Assad. En Libye, jusqu’aux dernières heures de la dictature kadhafiste, le matériel utilisé pour surveiller l’opposition était du matériel français.
Quand le pouvoir prend le contrôle total d’Internet comme en Syrie, ce sont des hackers à « chapeaux blancs » français, américains et suédois qui viennent en aide à l’insurrection. Sans se déplacer de chez eux, bien sûr.
Ainsi, les geeks de Telecomix ont créé de nouvelles routes de télécommunication lorsque le gouvernement syrien a bloqué le contenu et les échanges.
Quatre acteurs donc :
– les jeunes révolutionnaires, se servant d’internet pour s’organiser,
– les flics des dictatures chargés de les surveiller,
– des entreprises occidentales qui leur vendent du matériel,
– et les hackers occidentaux installant des voies de communication alternatives.
Comment dit-on Big Brother en arabe ?
Aujourd’hui, avec la fin des régimes autoritaires arabes, nous avons pu visiter les installations techniques en Libye, retrouver des témoins, établir les méthodes. Il faut savoir que la technologie dont disposaient les autorités libyennes notamment leur permettait de surveiller l’ensemble du trafic numérique de leur pays.
Comment les dictatures arabes les plus autoritaires et corrompues ont-elles persuadé les pays occidentaux de leur vendre un matériel de surveillance aussi puissant et sophistiqué ? Parce qu’elles avaient convaincu ceux-ci qu’elles s’en serviraient pour combattre les mouvements islamistes, proches d’Al Qaeda.
Hackers sans frontières
En Syrie, en ce moment, le pouvoir surveille Internet ou le bloque. Un peu partout sur la planète, des hackers ont décidé de venir en aide aux Syriens. En France, ils œuvrent depuis leur chambre, la nuit, sur leur temps libre. Ils pénètrent les dispositifs de sécurité et surtout ils parviennent à déjouer les pièges du pouvoir.
Ainsi, les policiers syriens avaient inventé un dispositif pour fliquer Facebook, outil fondamental de l’insurrection. Sans le savoir, les internautes étaient dirigés vers un faux Facebook dont l’usage exclusif était de leur siphonner leur mot de passe.
Les hackers ont alors créé une alerte avertissant les Syriens. Puis ils ont mis au point des chats de communication sécurisés. Des zones libres numériques. Aujourd’hui ils continuent à mener la bataille. Depuis leur ordinateur couvert d’autocollants psychédéliques.